DES POMPIERS éPUISéS, RAPATRIéS DE L’OUEST CANADIEN, COINCéS à MONTRéAL

Une quinzaine de pompiers professionnels de Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) ont été réduits cette fin de semaine à dormir tant bien que mal sur le sol de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, à Montréal. En raison des annulations de vol en série qu’a connues Air Canada depuis jeudi dernier, ils ont, à l’instar de quantité d’autres passagers, été coincés à l’aéroport, et ce, malgré les urgences qui les attendent dans le nord du Québec.

« En fait, ça fait pratiquement 48 heures qu’on n’a pas dormi. Quand notre vol d’Edmonton à Québec a été annulé hier soir [vendredi], Air Canada devait au moins nous trouver des chambres. Ils n’ont rien fait. Quand on est arrivés ici [à Montréal], on n’avait rien pantoute. Là, on s’achète des bouteilles d’eau à quatre piasses pis on dort comme on peut », a expliqué samedi matin au Devoir, les traits tirés, le pompier professionnel Jonathan Tousignant.

Un groupe de six autres pompiers de la SOPFEU s’est retrouvé à Ottawa vendredi après avoir fait des pieds et des mains pour tenter de rallier le Québec au moment où les services réguliers d’Air Canada étaient largement perturbés, ont raconté au Devoir un groupe de collègues de M. Tousignant.

Bloqués à l’aéroport

Interrogés samedi matin par Le Devoir, plusieurs pompiers québécois partis d’Edmonton espéraient pouvoir gagner les environs de Sept-Îles au plus vite, l’état d’urgence ayant été déclaré la vieille sur la Côte-Nord. « Nous autres, on veut aider, pis là, on ne peut juste pas », a expliqué le pompier Pascal Gaudet. Plusieurs de ses collègues se sont spontanément massés pour témoigner au Devoir de leurs frustrations à l’égard d’Air Canada compte tenu de la situation d’urgence.

« On devait être 14 jours dans l’Ouest. Il manque de pompiers partout ! Ils ont décidé de vite nous ramener au Québec pour aider. Mais là on est pris ici ! Et c’est pas de la faute de la SOPFEU pantoute, mais d’Air Canada », a répété Jonathan Tousignant tandis que ses camarades abondaient tous dans le même sens.

Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a annoncé vendredi avoir demandé du renfort du côté de l’armée canadienne vu le nombre de brasiers en activités au Québec. Pendant ce temps, des pompiers professionnels se sont trouvés coincés à Montréal en raison des problèmes éprouvés par Air Canada. « En 16 ans de métier, a affirmé le pompier Jonathan Tousignant, je n’ai jamais vu autant de feux en même temps. C’est fou. »

Vu qu’il était apparemment impossible de trouver d’autres vols pour ces pompiers, l’équipe de la SOPFEU encadrée par Mathieu Tremblay, un pompier de Rimouski, s’est résolue en dernier recours samedi matin à acheter des places à bord d’une navette. Un long trajet exigeant de ces pompiers professionnels de d’abord se rendre à Québec avec leur équipement avant de pouvoir être affectés ensuite vers les foyers d’incendie nécessitant leur expertise.

Besoin de repos

Jointe par Le Devoir samedi, une responsable des communications de la SOPFEU, Isabelle Gariépy, a indiqué ne pas être au fait de la situation de ces pompiers coincés à Dorval, s’efforçant tout de même de temporiser : « Ça ne veut pas nécessairement dire que ça va changer quelque chose pour l’intervention des incendies. Nous avons d’autres moyens pour les conduire là-bas. »

Les pompiers étendus pêle-mêle au sol, chargés comme des mulets, n’étaient pas du même avis. Le pompier Pascal Gaudet était couché au sol sur une simple couverture depuis plusieurs heures. « On n’a pas dormi deux heures. Ça va faire 48 heures qu’on dort pas. Pis une fois arrivés en autobus aux feux, c’est pas sûr pantoute qu’on va être prêts à y aller tout de suite ! Va falloir se reposer un peu. C’est plate, parce que nous autres on voudrait pouvoir y être. On veut juste ça ! »

M. Gaudet aurait, selon ses collègues, fait des pieds et des mains depuis des heures au moment de l’entretien avec Le Devoir pour essayer de mener ses troupes au plus vite sur les lieux des incendies. Rien à faire. « On est une quinzaine là à Dorval. Il y en a six autres hier qui se sont rendus à Ottawa », a déploré le pompier Mathieu Tremblay, inquiet que ce cul-de-sac dans lequel se trouvait le groupe puisse faire de la mauvaise publicité à la SOPFEU. « C’est pas de notre faute pantoute, ce qui se passe. »

« Les feux sont là, et ça nous fait un pincement au coeur de pas pouvoir y être. On veut juste être là, nous autres », a renchéri un autre pompier de la SOPFEU. « Lui [désignant Mathieu Tremblay], il peut pas parler. Nous autres, on peut le dire que ça n’a pas d’allure. »

Des dizaines de vols d’Air Canada étaient annulés encore samedi matin. Les queues devant les services à la clientèle s’allongeaient. L’impatience des voyageurs était palpable. Même après tous les déboires qu’a connus la compagnie au cours des derniers jours, « c’est la pire journée qu’on a eue jusqu’ici », a laissé tomber samedi matin un commis d’Air Canada.

Toujours pas rendus

À l’heure du souper samedi, ces pompiers de la SOPFEU en étaient toujours à tenter de regagner, chacun de leur côté, leur base d’attache, sans avoir bénéficié d’aucune aide de la part d’Air Canada.

Le mini-autobus qui promettait de les conduire à Québec à mi-journée ne s’est jamais présenté à l’aéroport.

Ils ont dû recourir au service d’une autre navette, deux heures plus tard, pour regagner la capitale québécoise, serrés comme des sardines. De là, chacun s’en est allé de son côté, afin de se rapporter à sa base.

Le Devoir a pu confirmer que ces soldats du feu espéraient tous se reposer, ne serait-ce qu’un peu, avant d’être redéployés sur le terrain, afin de ne pas mettre inutilement leur vie en danger. Après plus de 48 heures pratiquement sans dormir, les réflexes étaient émoussés. La plupart n’étaient pas parvenus à destination en début de soirée samedi. « C’est pas fini pantoute », a témoigné un pompier soufflé par l’intensité des feux. « On n’est pas rendus. »

Qu’est-ce qui, selon eux, explique cette année l’intensité des feux ? « Il y a les changements climatiques, c’est sûr. » Les coupes forestières soutenues pourraient aussi être en cause, croit-il. « Les résidus laissés au sol et la possibilité que tout ça sèche plus vite, oui, ça peut rendre les choses pires. »

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