DES «SNOWBIRDS» SE PRéCIPITENT POUR VENDRE LEUR PROPRIéTé, NOTAMMENT à CAUSE DU HUARD

MONTRÉAL — Depuis 2011, Cesidia Cedrone profite des rayons du soleil dans son appartement en copropriété en Floride chaque hiver.

«Le soleil brille tout le temps. Pas besoin de pelleter la neige. Il y a la plage, le sable...», a fait valoir l'Ontarienne depuis sa résidence secondaire à Hallandale Beach, à mi-chemin entre Miami et Fort Lauderdale.

La semaine dernière, ses rêves d'une retraite floridienne ont pris fin lorsque Mme Cedrone et son mari ont signé les documents de clôture de la vente de leur propriété.

«Les choses ont tellement changé. Le dollar canadien n'est pas à parité avec le dollar américain. C'est ce qui a motivé notre décision majeure de vendre», a-t-elle confié.

D'autres éléments ont également joué un rôle: des coûts d'assurance plus importants, des taxes et des frais de copropriété plus élevés.

«Pour nous, Canadiens, c'est un double coup dur», a déclaré Mme Cedrone, en soulignant un huard qui s'échange à environ 69 cents US, en plus des coûts d'entretien en hausse.

«Nous adorons cet endroit. Mais nous sommes arrivés à un point où, maintenant que nous avons plus de 70 ans, il me revient moins cher de venir ici pendant deux mois et de louer», a-t-elle ajouté.

Mme Cedrone n’est pas la seule. De nombreux «snowbirds» se démènent pour vendre leur propriété en Floride, car la faiblesse du dollar et les coûts d’assurance élevés entraînent un exode des Canadiens de l’État ensoleillé.

Les Canadiens, et les Québécois en particulier, ont représenté près d’un quart des vendeurs étrangers en Floride entre avril 2023 et mars 2024, contre 11 % au cours de la même période un an plus tôt, selon un rapport de la National Realtors Association.

La courtière immobilière Alexandra DuPont, qui vend des propriétés principalement à des Québécois dans le sud-est de la Floride, dit qu’elle jongle avec deux fois sa charge de travail habituelle avec plus de 30 annonces.

«Je n’en ai jamais eu autant en une décennie. J’ai récupéré trois nouvelles annonces lundi. Cela ne m’est jamais arrivé en une seule journée», a-t-elle déclaré la semaine dernière.

Les propriétés restaient autrefois sur le marché un jour ou deux avant de trouver preneur, a indiqué son père et partenaire immobilier, Sylvain DuPont.

«Le délai minimum dans le sud-ouest de la Floride est maintenant de 90 jours, et les propriétés ne se vendent pas toujours. Les stocks augmentent de jour en jour, a-t-il déclaré, soulignant que la plupart de ses clients sont des Ontariens et des Québécois. Nous pensons que le marché va bientôt s’effondrer. Les gens paniquent maintenant.»

Pas nécessairement à cause de Trump

Quant à savoir si le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a contribué à faire fuir les propriétaires – le président américain a adopté une position agressive à l’égard du Canada, menaçant de tarifs douaniers généralisés et remettant en question sa souveraineté –, Sylvain DuPont a fait écho aux observations de plusieurs courtiers et vendeurs: «Je ne pense pas que ce soit une question de politique, c’est une question d’argent, d’économie, d’inflation.»

Les résidants et les agents immobiliers affirment que le coût de la vie plus élevé, le risque de dommages causés par des catastrophes naturelles et un goût croissant pour les voyages vers des destinations différentes chaque hiver expliquent la fuite des acheteurs de Floride.

Le dollar canadien oscille sous les 70 cents US depuis quelques semaines, poursuivant une baisse amorcée début octobre en raison d’un ralentissement des réductions des taux d'intérêt par la Réserve fédérale américaine.

«En dollars canadiens, la semaine dernière, j’ai payé 18 dollars pour 18 œufs», a confié Mme Cedrone.

Mais les départs de Canadiens reprenaient déjà avant cette baisse.

Les primes d’assurance ont grimpé en flèche ces dernières années en raison de conditions météorologiques extrêmes, ce qui a coûté à Mme Cedrone plus de 16 000 $ US par an, soit dix fois le montant qu’elle avait payé lorsqu’elle avait acheté la propriété.

Elle a également payé près de 4000 $ US en impôts, comparativement à 1500 $ US il y a une quinzaine d'années.

Entre-temps, les rénovations immobilières exigées par des codes de construction plus stricts ont obligé les résidants à débourser des milliers de dollars supplémentaires au cours des dernières années, ce qui a forcé le couple à prendre une nouvelle hypothèque sur sa résidence secondaire.

Diversifier ses destinations

Aussi, il semble que les gens sont plus nombreux à préférer la diversité plutôt que de s'établir dans un seul endroit.

«Les plus jeunes retraités veulent voyager. Ils passeront un hiver au Portugal, ou ils iront à Miami, au Mexique ou en République dominicaine», a souligné Sylvain DuPont.

«Acheter une propriété en Floride, c’est comme le faisaient nos grands-parents et nos parents. Les jeunes, eux, ne le font plus autant, a-t-il déclaré. Ils ne veulent plus être au même endroit.»

Et plusieurs veulent éviter certains secteurs.

L’automne dernier, les ouragans Helene et Milton ont ravagé la Floride, causant 40 milliards $ US de pertes assurées. Le total s’élevait à 63 % de toutes les pertes assurées causées par de violentes tempêtes dans le monde l’année dernière, selon un nouveau rapport du courtier en réassurance Gallagher Re.

Outre l’effet du changement climatique sur les primes, il y a aussi la question de la sécurité et un sentiment perpétuel de précarité dans les régions sujettes aux tempêtes.

«Je n’irai nulle part où il y a des ouragans», a déclaré Laurie Lavine, un agent immobilier établi en Arizona dont la clientèle est principalement composée de Canadiens.

Ancien Albertain, M. Lavine a soutenu que la plupart des clients partagent son sentiment.

Néanmoins, il a récemment observé une augmentation des inscriptions de Canadiens dans son État désertique. Encore une fois, tout revient aux dépenses.

«Cela leur coûte 20 000 $ par an juste pour avoir la propriété, entre les services publics et les taxes et tous les coûts de possession d’une propriété ici. Ils ne baissent tout simplement pas autant qu’ils le souhaiteraient à cause du dollar canadien», a-t-il déclaré. M. Lavine a indiqué qu’il traiterait huit inscriptions – toutes de propriété canadienne – au cours des prochaines semaines, soit deux fois plus que sa charge de travail habituelle.

Les départs ne concernent pas uniquement les maisons fixes.

«Le parc de camping-cars dans lequel nous sommes est normalement rempli de Canadiens et d’Américains venant de régions au climat froid, a-t-il indiqué depuis la région de Phoenix. Cette année, leur nombre a baissé de 30 %.»

Christopher Reynolds, La Presse Canadienne

2025-01-28T22:51:29Z