LA NEIGE ARTIFICIELLE PEUT-ELLE SAUVER LE SKI DE FOND?

Face au manque de neige et aux hivers chauds à répétition, des stations de ski de fond ont recours à la neige artificielle pour accueillir les sportifs, tandis que d'autres songent à investir dans des équipements.

La pratique est répandue pour le ski alpin, mais demeure rare pour les fondeurs pour des raisons économiques.

L’équité sportive a notamment motivé le club de ski de fond de Nakkertok, à Gatineau, de se lancer dans la fabrique de neige en 2016.

Nous voulions un terrain de jeu comparable à ceux en Colombie-Britannique ou dans les montagnes, raconte Anton Scheier, directeur des communications du championnat national qui s’y tient du 10 au 16 mars.

Huit ans, plus tard, il se dit très satisfait du bilan.

Pour produire sa neige, le club pulvérise de l’eau sous pression dans l’air et, avec les températures sous zéro, elle retombe au sol sous forme de cristaux de glace.

Le centre compte 19 bouches d’incendie et 9 canons de petite taille qui se raccordent aux canalisations souterraines.

Un savoir-faire différent de celui du ski alpin

La production de neige artificielle pour les pistes de ski de fond est différente de celle pour les descentes. Les pistes de fond sont souvent dans les bois, affirme Richard Lemoine, ancien président de Cross Country Ski Ontario et toujours impliqué dans un club de ski à but non lucratif prtès de Collingwood, en Ontario.

Difficile donc de projeter l’eau dans le ciel de l’eau, qui resterait sur les branches. Il faut soit des canons de petite taille, comme à Nakkertok, soit déplacer de tas de neige avec des véhicules, ce qui revient plus cher.

Deux ou trois personnes installent les canons à neige autour du parcours, ils mesurent que la neige s’accumule, puis les déplacent vers un autre endroit, décrit Anton Scheier, qui est aussi impliqué dans le club. L’organisation n’avait aucune connaissance dans le domaine lorsqu’elle a débuté.

Des coûts élevés

L’opération nécessite deux à trois semaines avec l'aide de bénévoles, ce qui minimise les coûts. Le club de Nakkertok a investi 465 000 $ dans ses installations, financées pour plus de moitié par une bourse de la marque Kraft Heinz.

Au centre de ski Highlands Nordic, au sud de Collingwood, autour de 150 000 $ avaient été budgétés en 2018 pour enneiger 700 mètres de pistes au moyen de trois ventilateurs électriques pour pulvériser de la neige. Mais 6 ans plus tard, le projet ne s'est pas encore concrétisé, car il nécessite des autorisations environnementales.

Daniel Scott, professeur à l’Université de Waterloo a publié en 2023 une étude sur la neige artificielle, où il projette que la production va augmenter de 55 à 97 % d'ici 2050 au Canada. Il explique que les incitatifs économiques de la production de neige est différente en fonction du sport.

Dans le cas du ski alpin, des milliers de personnes parcourent les pistes chaque jour à des prix élevés puis dépensent dans d'autres services à proximité, comme des hôtels et restaurants.

En revanche, le nombre de personnes prêtes à payer est moindre. C’est plus difficile économiquement, mais ça a du sens là où s'entraînent des athlètes d’élite, analyse le professeur Scott.

Le besoin de températures sous zéro

Quel que soit le coût, les températures froides sont nécessaires pour fabriquer la neige.

Richard Lemoine rapporte que cet hiver, même si soin club avait disposé de canons, la saison aurait été perturbée : Il n’y aurait pas eu assez de nuits froides pour qu’ils fabriquent de la neige pour les pistes en bas du domaine.

Or, à terme, ce type d’hiver devrait se reproduire. On prévoit que pendant les 10 à 30 prochaines années, ce réchauffement va continuer, explique Nathan Gillett, chercheur scientifique d’Environnement et Changement climatique Canada.

Une réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines pourrait mener à une stabilisation du raccourcissement des hivers vers 2050.

Dans une précédente étude, Daniel Scott, avait projeté que le nombre de jours d’hiver en Ontario pourrait réduire de 60 %, passant de 117 à 46 jours selon les scénarios de réchauffement les plus pessimistes.

Si la limite des 1,5 degré Celsius de l’accord de Paris est respectée, ce qui est déjà peu probable selon Nathan Gillett, les hivers resteraient comparables à ceux de ces dernières années.

Est-ce durable?

Contrairement aux gros ventilateurs, utilisés pour enneiger des surfaces dégagés, contrairement aux pistes des bois, les petits canons tels qu'utilisé dans les pistes de ski de fond ne nécessitent pas d’électricité, mais de l’air compressé et de la pression.

Pour Daniel Scott, il y a des endroits où la neige est faite de manière non durable et d’autres où c’est assez durable, selon la manière dont l'énergie est produite et la source d'eau.

Actuellement, 80 à 90 % de l’eau mise sur les pistes retourne au même bassin hydrographique lorsqu’elle fond au fond printemps, assure le chercheur.

Enfin, Daniel Scott voit une vertu écologique dans la neige artificielle. Garder les skieurs plus près de chez soi peut aider à réduire les émissions liées au tourisme.

À condition qu’il y fasse encore assez froid.

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