UN PERMIS POUR PLONGER VERS LE TITANIC?

Le Canada pourrait-il contrôler qui a le droit de plonger vers le Titanic en délivrant des permis? Des documents obtenus par Enquête révèlent que la question s’est posée, précisément en raison des plans d’OceanGate de s’y rendre. Mais la question n’est toujours pas résolue parce que le Canada n’a pas ratifié l’entente qui régit l’accès au Titanic.

Récemment, OceanGate Expeditions [...] a annoncé des plans pour lancer six missions vers le Titanic, débutant le 18 juin 2021. Ces missions vont partir de Saint-Jean de Terre-Neuve, résume le document rédigé cette année-là, un breffage destiné au PDG de Parcs Canada, en grande partie caviardé.

Parcs Canada se coordonne avec les autres organisations fédérales pour déterminer si des approbations, des permis ou des autorisations doivent être obtenus du gouvernement canadien par les compagnies avant de procéder avec les expéditions proposées, indique le document.

Questionné à ce sujet, Parcs Canada nous a répondu que les États-Unis et le Royaume-Uni sont les seuls signataires de l'accord intitulé Agreement Concerning the Shipwrecked Vessel RMS Titanic et que seuls les signataires ont le droit d'accorder et de refuser l'accès au site.

Le Canada et la France ont bien pris part aux négociations pour parvenir à cet accord, mais ne l'ont toujours pas ratifié. Et jusqu’à quelques jours avant la plongée fatale du Titan vers le Titanic, d’autres documents que nous avons obtenus révèlent que les Américains et les Britanniques, par l'entremise de l'Organisation internationale maritime (OMI), faisaient pression sur ses pays membres, dont le Canada, pour qu’ils signent l’entente.

Mais ce n’est pas arrivé, si bien qu’OceanGate a pu plonger à partir de Terre-Neuve sans se soucier de la nécessité d’obtenir un permis canadien. Rien n’indique toutefois que c’est pour cette raison qu’OceanGate a choisi le Canada, puisqu’elle aurait très bien pu plonger à partir des États-Unis : l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère, l’agence américaine qui surveille les allées et venues autour du Titanic, a jugé qu’elle respectait les normes, OceanGate n’ayant pas l’intention de toucher aux artéfacts.

Une juge de la Cour de Virginie avait aussi évalué son dossier et donné son feu vert aux expéditions.

Je peux vous dire qu'OceanGate n'a pas opéré à partir de Saint-Jean de Terre-Neuve ou du Canada pour des raisons juridiques, nous a indiqué le conseiller juridique d’OceanGate, David Concannon.

Saint-Jean a été choisie uniquement pour des raisons logistiques. Entre autres choses, Saint-Jean est le point terrestre le plus proche du site de l'épave du Titanic, la région possède un solide patrimoine maritime avec d'excellents propriétaires et exploitants de navires, la ville est bien équipée pour accueillir les touristes internationaux et l'aéroport local est facile d'accès pour se rendre à partir de points du monde entier, fait-il valoir. En outre, OceanGate pourrait expédier le submersible Titan à Saint-Jean plus efficacement par chemin de fer ou par camion terrestre.

Reste que plonger vers le Titanic n’est pas simple. La célèbre épave repose à 3821 mètres dans l’océan Atlantique, en eaux internationales.

En plus de la difficulté technique de réaliser une plongée aussi profonde, il y a une difficulté réglementaire et juridique. Le Titanic est un lieu presque sacré, considéré à la fois comme un lieu de sépulture, car près de 1500 passagers y sont décédés, et comme un site à valeur historique. L'épave bénéficie d’ailleurs de protection de la Convention de l'UNESCO sur le patrimoine culturel subaquatique depuis 2012, l’année du centenaire du naufrage.

L’accord signé entre les États-Unis et le Royaume-Uni balise les activités permises pour s’en approcher : l'éducation, la recherche scientifique et le devoir de mémoire. Nulle part il n'y est question de tourisme en submersible ou d'activités commerciales. Et il est interdit de toucher aux artéfacts à l’intérieur de l’épave : seuls les objets repérés à l’extérieur peuvent être récupérés.

Et encore : il n’y a que la compagnie RMS Titanic qui peut le faire, la compagnie étant reconnue par la Cour fédérale de Virginie comme seul possesseur des objets du navire.

Depuis sa découverte en 1985, 5900 artéfacts ont été récupérés.

La compagnie RMS Titanic est d’ailleurs actuellement devant le tribunal pour obtenir la permission de faire une nouvelle mission de récupération d’artéfacts alors que le gouvernement américain s’y oppose.

Une ratification qui tarde

Le document de Parcs Canada obtenu en accès à l’information montre également que le Canada revendique le plateau continental qui passe sous l’épave du Titanic.

Le gouvernement canadien a d’ailleurs déposé en 2013, à l’ONU, des réclamations territoriales qui vont dans ce sens. L’entente internationale préliminaire de 2001 indiquait que l’épave gisait sur le plateau continental canadien, mais en eaux internationales.

En 2013, le Canada a revendiqué également 1,2 million de mètres carrés dans l'Atlantique Nord.

La demande du Canada sur l’océan Atlantique a été déposée le 6 décembre 2013 devant la Commission des limites du plateau continental. Une demande modifiée a été déposée en février 2018, mais aucune sous-commission n’a encore été créée. Le dossier du Canada est toujours en attente devant la commission.

David Concannon, le conseiller juridique d’OCEANGATE, ne reconnaît d'ailleurs pas l'existence d’un véritable accord. Quant à l’accord international, c’est une plaisanterie. Je pourrais écrire un livre sur les machinations juridiques impliquant le Titanic. Les États-Unis n’ont PAS réellement adopté de loi pour mettre en œuvre l’accord international en 2017.

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