LA VENUE DES CROISIéRISTES NE FAIT PAS LE BONHEUR DE TOUS à VICTORIA

Les bateaux de croisière sont nombreux à s'arrêter à Victoria, le port d’escale le plus fréquenté au Canada, ce qui ne fait pas le bonheur de tous.

D’un côté, des résidents et militants dénoncent les effets des paquebots sur l’environnement et les quartiers. De l’autre, des entrepreneurs regrettent que les bateaux ne s'arrêtent pas plus longtemps. Selon eux, les affaires sont moins bonnes qu’avant la pandémie.

D’avril à octobre, jusqu’à trois bateaux de croisières par jour s'amarrent au port de Victoria, ce qui représente environ 900 000 visiteurs attendus cette année.

En l'espace de 30 minutes, 12 000 passagers débarquent, explique Scott, qui offre des visites guidées aux touristes.

Si la fréquentation devrait atteindre un record cette année, Scott estime que l'industrie a changé.

C'est plus difficile d'attirer des clients et les gens ont moins d'argent à dépenser, explique-t-il.

Son collègue Sean déplore aussi le fait que des navires arrivent à Victoria le soir après 19 h, beaucoup plus tard qu’avant.

Pour réduire leur consommation de carburant, les navires vont plus lentement. S'ils s'arrêtent tard, c'est parce que c'est un arrêt obligatoire, et tant pis pour l'expérience de leur clientèle, explique-t-il.

Obligation légale d’escale

Le Passenger Vessel Services Act oblige les navires battant pavillon étranger en partance d’une ville américaine à passer par un port étranger avant de jeter l'ancre dans un autre port américain, sous peine d’amendes importantes.

Victoria est le port d'escale le plus fréquenté au Canada en grande partie parce qu'il permet aux compagnies de respecter la loi.

La mairesse de Victoria, Marianne Alto, dit négocier avec les croisiéristes pour qu'ils s'arrêtent plus longtemps dans la capitale provinciale.

Car si certaines entreprises ont pu faire évoluer leurs offres pour toucher une clientèle tardive, comme l'hôtel Empress, qui propose un cocktail pour le coucher de soleil, plusieurs n’ont pas ce luxe.

Pas le bonheur de tous

Avant la pandémie, Vicki Kung accueillait bénévolement les visiteurs à Ogden Point. Maintenant, elle dirige Fair Sailing, une organisation locale qui veut forcer l’industrie à mieux respecter les résidents de Victoria.

Pendant la pandémie, on n'a pas eu de bateaux pendant deux ans. C'est comme ça qu'on a pris conscience de leurs effets, explique-t-elle.

Le but de Fair Sailing n’est pas de mettre fin à l'industrie des croisières, poursuit Vicki Kung, mais plutôt de réduire ses effets, par exemple en l'obligeant à arrêter les moteurs des navires ou à les connecter à des bornes électriques lorsqu’ils sont à quai, ou encore en ajustant les normes fédérales pour que les croisiéristes utilisent des carburants plus propres.

Des retombées économiques

Robert Lewis Manning, président-directeur général de l'autorité portuaire du Grand Victoria, affirme être en discussion avec Ottawa et l'industrie pour trouver un compromis entre avantages économiques et réduction des émissions de gaz à effet de serre des navires.

Mais, d’après lui, il ne faut pas négliger les retombées économiques liées aux bateaux de croisière, que son organisme estime à 143 millions $ par année, sans compter les retombées indirectes.

Au bout du compte, on pense que quiconque découvre cette ville incroyable à plus de chance de revenir ici pour d’autres vacances, explique-t-il.

Ces retombées sont, selon Vicki Kung, grandement exagérées. Elle souligne qu'une étude de 2019, portant sur la meilleure saison des bateaux de croisière, révèle que les dépenses des touristes de croisière représentent moins de 2 % de toutes les dépenses touristiques dans la grande région de Victoria.

Elle se dit en faveur du tourisme - un des trois plus importants employeurs de la capitale - mais souhaite que cela se fasse comme d’autres villes le font. Elle dit que Venise a, par exemple, opté pour une approche qui priorise les habitants.

Avec les informations de Francis Plourde

2024-07-30T12:30:57Z